Lettre de Fouad [FR-ITA-ENG]

liberta [FR]

Cette lettre a été écrite deux jours après son incarcération. Elle n’a pu être envoyée et lue pendant le temps de son incarcération. Il a été enfermé onze jours suite aux pressions politiques des syndicats de police, du cabinet du préfet des Alpes maritimes, du parquet et des partis pris des juges à l’audience du 24 août. Il a été libéré le 2 septembre, mais dans l’attente de son jugement, il est interdit du territoire des Alpes-Maritimes et placé sous contrôle judiciaire à 700km de la frontière.

Salam alikoum chebabs, Ciao Regaza, Ciao Regazzi Ils m’ont arrêté, ils m’ont tabassé, ils m’ont enfermé! Je suis toujours vivant et je pense à vous. J’ai peur pour moi mais aussi pour vous. Grand merci à toutes celles et ceux qui sont venus me voir au Tribunal. Aussi, un grand merci à toutes celles et ceux qui auraient voulu me voir mais qui ne le pouvaient…. ! Que vous dire ? Ici, je vois qu’il fait beau, je vois qu’il y a le soleil. Les barreaux doublés de grillages (pour nous empêcher de s’envoyer des yoyos entre détenus), les barbelés, les plafonds grillagés des cours de promenades, empêchent le soleil de venir caresser ma peau et ne me permettent pas d’apprécier le ciel bleu qui va avec ! On est cinq dans une cellule, la douche est bouchée, les murs et le sol sont abîmés, les peintures défraichies se décollent elles-mêmes….Je dors avec un matelas par terre à cause de la surpopulation en prison : nous sommes plus de 800 personnes pour 600 places disponibles. Je pense souvent à vous et je rêve déjà du jour où l’on se reverra et que l’on dansera après avoir mangé les magnifiques plats de nos cuisiniers du midi ou les pizzas fraiches du soir. Que vous dire sur ce qui s’est passé ? Ben, j’ai voulu parler aux chebabs enfermés pour leur dire leurs droits. Mais ce n’était pas du goût de la police aux frontières. Je leur ai aussi dit d’arrêter de taper avec leurs matraques sur les barrières pour faire peur et menacer des enfants mineurs ! Ils n’ont pas aimé que je leur dise ce qu’on passe son temps à leur cacher, leurs droits. Ils m’ont attrapé au sol en m’étranglant. Après m’avoir menotté, ils m’ont tapé au sol. En me transportant à l’hôpital, les trois policiers m’ont aussi étranglé et frapper au visage. A l’heure où je vous écris, je porte encore la marque de leurs coups. Je suis en prison. Je ne peux pas voir de médecin et faire constater les preuves de la brutalité policière. Et c’est moi qu’ils accusent de violence et me retrouve devant leurs tribunaux où ils me condamneront sûrement. Je me prépare à cela et je vous demande aussi de vous préparer à cela et de ne pas perdre le moral car moi, je le garde. Les images de notre vie vécue ensemble restent dans ma mémoire. Je garde le moral et je suis heureux d’avance de vous revoir un jour et continuer à vivre cette aventure riche de sentiments, de rencontre, de vivre ensemble. A la frontière, nous avons déjà brisé les frontières ! Ils auraient aimé que vous restiez seuls chebabs, et que vous, regazza et regazzi, collaboriez silencieusement. Ils n’ont pas réussi et ne réussiront jamais. A la frontière, ils voudraient que j’aille en arrière, que j’ai peur d’aller de l’avant, et c’est pour cela que je suis ici, en prison, ils ne veulent pas que nous allions en avant, comme vous chebabs. Ils vous enferment dans le Sud de l’Europe pour ne pas aller de l’avant, et moi, ils m’enferment dans une prison, pour que je n’aille pas de l’avant. Je garde le moral malgré les barreaux, les grillages et les barbelés. Même si je ne suis pas près de vous, je suis avec vous. Les barreaux ne briseront pas notre solidarité. C’est cette solidarité que j’ai vu au tribunal, que je sais encore agir et qui existera au jugement. Reggazza, Regazzi, ils veulent nous intimider en faisant de moi un exemple. N’ayez pas peur, beaucoup des nôtres se font un jour ou l’autre enfermés pour leurs idées. Le monde s’est-il arrêté d’avancer ? Non. Nous ne devons pas avoir peur de leurs coups, de leurs pressions, de leurs formes de justice où les juges nous enferment avant d’avoir été jugé et couvrent les failles d’un système qui violente et oppresse avant tout ! Je vous rassure, mes codétenus sont bien. Ils m’ont filé des cigarettes pour décompresser, des habits pour vivre dignement et on se respecte pour essayer de vivre dans ce taudis de 20m2. Je ne sais pas quoi vous dire de plus à part de continuer à vivre ensemble, à discuter pour vivre la liberté et l’égalité, pour mettre fin à cette injustice que vivent tous les exilé-e-s arrivés en Europe où on les maltraite pour les forcer à revenir en arrière. Eh Chebabs, malgré cela, vous restez fort et vous allez de l’avant. Comme vous, je reste fort et je ne peux qu’aller de l’avant.
Salam alikoum Chebabs, Ciao regazza, Ciao reggazzi
We are not going back, We need to go
Fouad, un enfant d’exilé enfermé dans une prison française pour avoir soutenu ses frères exiles fuyant les pays en guerre et enfermés quotidiennement suite aux méthodes racistes des polices françaises et italiennes.

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[ITA]

Questa lettera è stata scritta due giorni dopo il suo arresto. Non ha potuto essere inviata e letta durante il tempo dell’incarcerazione. Lui è stato incarcerato 11 giorni in seguito alle pressioni politiche dei sindacati di polizia, dell’ufficio della prefettura del dipartimento delle Alpi Marittime, del ministero e dai pregiudizi dei giudici all’udienza del 24 agosto. E’ stato liberato il 2 settembre, ma nell’attesa del giudizio, è allontanato dal territorio delle Alpi Marittime e posto sotto sorveglianza giudiziaria a 700 km dalla frontiera.

Salam alikoum chebabs, Ciao ragazze, Ciao ragazzi.

Mi hanno arrestato, mi hanno pestato, mi hanno rinchiuso! Sono sempre vivo e penso a voi. Ho paura per me, ma anche per voi. Un grande grazie a tutte quelle e quelli che sono venuti a trovarmi al Tribunale. E anche, un grande grazie a tutte quelle e tutti quelli che avrebbero voluto vedermi ma non potevano…! Che dirvi? Qui, vedo che fa bello, vedo che c’è il sole. Le doppie griglie di sbarre (per impedirci di inviarci degli yo-yo tra detenuti), i fili spinati e i soffitti reticolati dei camminatoi esterni, impediscono al sole di venire ad accarezzare la mia pelle e non mi permettono di apprezzare il cielo blu che lo accompagna. Siamo in cinque nella cella, la doccia è otturata, i muri e il pavimento sono malconci, le vernici sciupate si staccano da sole…Io dormo con un materasso a terra a causa della sovrappopolazione in prigione: siamo più di 800 persone per 600 posti disponibili. Penso spesso a voi e sogno del giorno in cui ci si rivedrà e si danzerà dopo aver mangiato i magnifici piatti dei nostri cuochi del mezzogiorno o le pizze fresche della sera.

Che dirvi su quello che è successo? Beh, ho voluto parlare ai chebabs rinchiusi per dirgli i loro diritti. Ma questo non è piaciuto alla polizia alle frontiere. Ho detto loro di smetterla di picchiare con i loro manganelli sulle sbarre per fare paura e minacciare dei ragazzini minori! Loro non hanno amato che gli dicessi ciò che continuamente gli nascondono, i loro diritti. Mi hanno braccato al suolo strozzandomi. Dopo avermi ammanettato mi hanno picchiato a terra. Nel trasportarmi all’ospedale, i tre poliziotti mi hanno ancora strozzato a picchiato sul volto. Nel momento in cui vi scrivo porto ancora il segno dei loro colpi. Sono in prigione. Non posso vedere dei medici e fare constatare le prove della brutalità poliziesca. Ed è me che accusano di violenza e mi ritrovo davanti ai loro tribunali che mi condanneranno sicuramente. Mi preparo a questo e vi chiedo di prepararvi anche voi e di non perdere il morale perché io, da parte mia, lo tengo alto. Le immagini della nostra vita vissuta insieme restano nella memoria. Io tengo alto il morale e sono felice in anticipo di rivedervi un giorno e di continuare a vivere questa avventura ricca di sentimenti, di incontri, di vivere insieme. Alla frontiera, noi abbiamo già spezzato le frontiere! Loro avrebbero voluto che voi rimaneste soli chebabs, e che voi, ragazze e ragazzi, collaboraste silenziosamente. Non ci sono riusciti e non ci riusciranno mai. Alla frontiera, vorrebbero che io arretrassi, che io avessi paura di andare avanti, ed è per questo che sono qui, in prigione, loro non vogliono che andiamo avanti, come voi chebabs. Vi rinchiudono nel sud dell’Europa per non lasciarvi avanzare, e a me, rinchiudono in una prigione, perché non vada avanti. Io tengo il morale alto nonostante le sbarre, le grate e il filo spinato. Anche se non sono vicino a voi, io sono con voi. Le sbarre non spezzeranno la nostra solidarietà. È questa solidarietà che ho visto al tribunale, che so ancora praticare e che esisterà al giudizio.

Ragazze, ragazzi, vogliono intimidirci facendo di me un esempio. Non abbiate paura, molti dei nostri si fanno rinchiudere un giorno o l’altro per le loro idee. Il mondo si è fermato dall’avanzare? No. Noi non dobbiamo avere paura dei loro colpi, delle loro pressioni, delle loro forme di giustizia, in cui i giudici ci rinchiudono prima ancora di essere stati giudicati e coprono le crepe di un sistema che violenta e opprime prima di tutto!

Vi rassicuro, i detenuti con me stanno bene. Mi hanno passato delle sigarette per rilassarmi, degli abiti per vivere dignitosamente e ci si rispetta per provare a vivere in questo tugurio di 20m2. Non so cos’altro dirvi ancora a parte di continuare a vivere insieme, a discutere per vivere la libertà e l’uguaglianza, per mettere fine a questa ingiustizia che vivono tutte/i gli/le esiliati/e che arrivano in Europa dove li si maltratta per forzarli a ritornare indietro. Eh Chebabs, malgrado ciò, voi restate forti e andate avanti. Come voi, io rimango forte e non posso che andare avanti.

Salam alikoum Chebabs, Ciao ragazze, Ciao ragazzi.

We are not going back, We need to go.

Fouad,

figlio di esule rinchiuso in una prigione francese per aver sostenuto i suoi fratelli esuli che scappano dai paesi in guerra e rinchiusi quotidianamente in seguito ai metodi razzisti delle polizie francese e italiana.

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[ENG]

This letter has been written two days after his detention. It could be neither sent nor red during the
time he was in jail. He was detained for 11 days, as a direct consequence of the political pressure
exerted by police unions, Maritime Alps department’s prefecture office, the minister, and of the
prejudices of the judges at the 24th of August meeting. He has been freed September the second.
Yet, while waiting for the sentence, he has been expelled from the Maritime Alps’ territory, and he is
now 700 kms far from the border, under judiciary surveillance.

Salam alikoum Chebabs, hi ragazzi (guys), hi ragazze (girls).
I have been detained, beaten, closed in! I am still alive, and I think to you. I am afraid for myself,
but also for you. A big thanks to all the people who came to visit me at the courthouse. Also, a big
thanks to all the people who would have come to see me, but who could not…! What to say? Here
I see there is good whether, I see it’s sunny outside. The double grid of the bars (in order to avoid
detainees to send each other yo-yo), the barbed wire, and the reticulated ceilings of external
walkways prevent the sun from coming and caressing my skin; they don’t allow me to appreciate
the blue sky coming with the sun either. We are five in the cell, the shower is plugged up, the walls
and the floor are in bad conditions, the damaged paint falls apart by itself… I sleep in a mattress on
the floor due to the prison’s overcrowding: we are more than 800 people, whereas the available
seats are 600. I often think to you, and I dream of the day in which we’ll meet again, and we’ll
dance after having eaten our chefs’ great dishes for lunch, or our homemade pizzas for dinner.
What to say about what have happened? Well, I wanted to talk with the detained Cherubs (guys) to
tell them about their rights. But the border police did not like it. I told them to stop beating their
batons on the bars with the aim to make minors guys feel afraid and to intimidate them! They did
not like the fact that I told the guys about what the police continuously hide: their rights. They
immobilized me on the floor, choking me. After having handcuffed me, they beat me on the floor
again. When they moved me to the hospital, the three policemen choked me again, and beat me
on my face. Now that I am writing you, I still carry the marks of their hits. I am in jail. I can neither
see a doctor, nor make someone certify the evidences of police’s brutality. And I am the one
charged with violence, and I find myself in front of their courts which will surely condemn me. I am
getting ready for that, and I ask you to get ready as well, and not to loose your spirit, since I am
keeping mine up.
Memories of our live together stick on my mind. I keep my spirit up and I am happy – in advance –
to see you again one day, and to continue this adventure so dense of feelings, encounters, and
living together. In the border, we already smashed the borders! They would have liked you to stay
alone, Chebabs; and they would have liked you ragazzi e ragazze to collaborate silently. They
didn’t achieved it, and they never will. In the border, they would like to see me stepping back,
stopped by fear. This is why I am here, in prison; they don’t want us to go on, like you are doing,
Chebabs. They fence you in the South of Europe trying not to let you moving forward; as they
fence me in a prison trying to stop me. I keep my spirit up despite the bars, the grills, and the
barbed wire. Although I am not near to you, I am with you. The bars won’t break our solidarity. This
is the solidarity I felt in the court, that I still know how to practice, and that will exist through the
sentence.
Ragazze e ragazzi; they want to frighten us by making an example out of me. Don’t be afraid,
many of us are jailed due to their ideas, one day or another. Has the world stopped from moving
forwards? No, it hasn’t. We must not be frightened by their hits, their pressures, and their forms of
justice in which the judges jailed us before we have being judged; and, at the same time, they veil
up the cracks of a system who firstly rapes and oppresses!
I want to reassure you, the people detained with me are fine. They give me cigarettes, so I can
relax; some clothes, so I can live with dignity; and we do respect each other, trying to live in this
hovel 20 m2 big. I don’t know what to add but to urge you to continue living together; and
discussing how to live freedom and equality. So that we’ll stop this injustice who any exiled person
experiences when he or she arrives to Europe, and they mistreated up to the point to force them to
go back. In spite of this you have to stay strong, Cherubs, and to keep going. As you, I’ll stay
strong and I cannot do anything but go ahead.

Salam alikoum Chebabs, ciao ragazzi, ciao ragazze.
We are not going back, We need to go.

Fouad,
son of an exiled man, jailed in a French prison because he had supported his exiled brothers who
had escaped from countries in war, and who were pent up due to the racist methods of Italian and
French police in a daily base.